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Évolution des zones à faibles émissions (ZFE) en Europe : impacts et perspectives

Arval Mobility Observatory 25 Jun 2024

Face aux enjeux écologiques et de santé publique, les pays Européens fournissent des efforts conséquents pour réduire la pollution dans les agglomérations. Parmi les mesures prises en vue d’atteindre cet objectif, des zones à faibles émissions (ZFE) ont été instaurées.

Le principe des ZFE repose sur l’interdiction d’accès aux véhicules ne répondant pas à certaines normes d’émissions. Bien qu’elles existent depuis près de 30 ans, avec les premières zones mises en place en 1996 à Stockholm, cette dernière décennie a marqué leur essor rapide, et l’Europe compte actuellement plus de 300 ZFE.

Dans cet article, nous nous pencherons sur le développement, les impacts, les défis et les perspectives des ZFE en Europe. Pour mieux comprendre leur efficacité et leur mise en application, nous examinerons également deux cas de ZFE déployées à Londres et à Barcelone.

Développement des zones à faibles émissions (ZFE) en Europe

Dans plusieurs villes d’Europe, le niveau de pollution atmosphérique dépasse les seuils de référence fixés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ce qui représente un risque considérable pour la santé des populations locales. Un des principaux facteurs est la forte concentration de véhicules dans les espaces urbains, qui engendre une dégradation de la qualité de l’air.

Dans le monde, le trafic routier est ainsi la principale source de pollution atmosphérique des villes, puisqu’il est à l’origine de 25 % des émissions de particules en suspension dans l’air, suivi de près par la combustion et l’agriculture (22 %), ainsi que les combustibles domestiques (20 %). Si ce chiffre est plus faible en Europe, où les transports sont responsables de 15 % de la pollution atmosphérique en moyenne, le transport commercial représente tout de même 28 % des émissions de particules en suspension dans certaines villes.

En excluant les véhicules les plus polluants, les ZFE s’attaquent directement à la cause des émissions, avec à la clé des résultats rapides et visibles.

Que sont les zones à faibles émissions et pourquoi sont-elles devenues si importantes ?

La mauvaise qualité de l’air est liée à de nombreux risques sanitaires, comme les maladies respiratoires, les troubles cardiaques et la mortalité prématurée. D’après l’Agence européenne pour l’environnement, l’exposition chronique aux particules fines a provoqué 253 000 décès prématurés en 2021.

Dans ce contexte, les ZFE s’imposent comme un moyen d’encourager le recours à des véhicules plus propres et à une mobilité alternative, comme les vélos ou les transports publics.

Les zones à faibles émissions (ZFE) désignent des périmètres urbains où l’accès est réservé aux véhicules répondant à des normes d’émissions précises. Le résultat est un changement des habitudes de mobilité en faveur du vélo, des véhicules hybrides et électriques, ainsi que des véhicules à faibles émissions. Les exigences spécifiques fixant les seuils d’émissions acceptables varient d’un pays et d’une zone à l’autre.

Les véhicules qui émettent davantage, comme les voitures moins récentes et les camions, sont interdits dans ces zones, ou bien soumis à une taxe d’entrée.

Il existe en outre des zones zéro émission (ZZE), bien qu’elles soient plus rares. Seuls les véhicules « zéro émission » peuvent y circuler, ce qui exclut de fait les véhicules thermiques. Londres fait partie des villes pionnières des ZZE.

L’objectif principal des ZZE et ZFE est d’améliorer la qualité de l’air en réduisant les émissions et polluants nocifs pour la santé et l’environnement. C’est notamment le cas de l’oxyde d’azote (NOx), des particules en suspension (PM10), et des particules fines (PM2,5).

Particules fines et pollution atmosphérique

Il existe différentes catégories de particules en suspension, qui sont classées en fonction de leur granulométrie (diamètre aérodynamique). Les particules fines (PM2,5) présentent un diamètre aérodynamique supérieur ou égal à 2,5 µm (micromètres), tandis que les particules en suspension (PM10) ont un diamètre inférieur à 10 µm. Les particules elles-mêmes présentent des caractéristiques chimiques, physiques, thermodynamiques et morphologiques variables, ce qui les rend plus difficiles à étudier et à comprendre.

Les sources d’émission des particules en suspension vont de l’activité anthropique (en lien avec l’industrie, l’agriculture, les transports, etc.) aux catastrophes naturelles (feux de forêt, éruptions volcaniques, etc.).

Bien souvent, le taux de particules en suspension sert à mesurer la qualité de l’air.

À travers le monde, la contribution du trafic routier aux émissions de particules en suspension varie entre 5 % et 61% selon les villes, pour une moyenne de 27 %. Ces particules proviennent de la combustion interne des véhicules thermiques et sont relâchées dans l’atmosphère par le pot d’échappement et hors échappement, par l’abrasion des freins, des pneus et de la chaussée.

Émergence des ZFE dans les grandes villes européennes

Une étape clé des efforts de développement durable est le déploiement de zones à faibles émissions dans les grandes villes européennes. En voici des exemples :

  • Stockholm est considérée comme la première ville d’Europe à avoir instauré une ZFE en 1996. La politique de la ville cible les poids lourds et les bus équipés de moteurs à explosion (principalement des moteurs Diesel)
  • Londres a instauré sa première ZFE en février 2008, bannissant dans un premier temps les poids lourds Diesel et les autobus pour réduire les gaz d’échappement dans le cadre d’une stratégie globale mise en œuvre par l’organisme public Transport for London en vue d’améliorer la qualité de l’air. À l’heure actuelle, les ZFE recouvrent la majorité du Grand Londres, avec des normes d’émissions strictes imposées aux véhicules ainsi que des pénalités prévues pour les véhicules en non-conformité.​​​
  • La ville de Berlin a elle aussi instauré sa première ZFE en 2008, avec pour objectif de réduire les taux de particules en suspension et d’oxyde d’azote dans l’air. De ce fait, les véhicules plus vieux et plus polluants ne peuvent circuler dans le centre-ville.

Depuis, plusieurs villes européennes ont intégré les ZFE à leur stratégie de réduction de la pollution atmosphérique et d’amélioration de la qualité de l’air, parmi lesquelles Lisbonne, Oslo, Amsterdam, Milan et bien d’autres.

Cadres réglementaires et politiques favorisant le déploiement des ZFE

Au niveau de l’UE, les normes de qualité de l’air sont fixées par la directive 2008/50/EC sur la qualité de l’air ambiant. À ce titre, les États membres sont tenus de respecter ces normes et de limiter les rejets polluants tels que le dioxyde d’azote, les particules fines (PM2,5) et les particules en suspension (PM10).

Ce cadre réglementaire incite les gouvernements et autorités locales à faire des ZFE un dispositif de réduction des risques sanitaires et environnementaux liés à la pollution de l’air, et à promouvoir l’électrification des véhicules.

À leur échelle, des pays et villes (notamment des pays hors UE, comme la Norvège et la Suisse) ont élaboré des politiques et réglementations spécifiques pour orienter la mise en œuvre des ZFE.

Ce sont les politiques locales qui régissent les critères d’émission des véhicules, les types de véhicules concernés, les mécanismes de mise en application ainsi que le périmètre défini.

En parallèle, la norme européenne d’émissions se durcit progressivement. Ainsi, Euro 6e, une nouvelle version de la norme Euro 6, impose des contrôles stricts des émissions d’oxyde d’azote et de particules en suspension par l’échappement. La prochaine version, en cours d’approbation par les États membres et qui verra le jour sous le nom d’Euro 7, prévoit des mesures encore plus strictes. Ces normes répondent aux objectifs des ZFE et facilitent le respect des restrictions grâce à la catégorisation des véhicules en fonction des niveaux d’émission, notamment des émissions hors échappement.

Impact des zones à faibles émissions

Examinons à présent les principaux impacts des ZFE en milieu urbain, notamment sur les systèmes de transport, les habitudes de mobilité et la santé publique. En voici quelques-uns : 

  • Réduction des niveaux de pollution atmosphérique et amélioration de la qualité de l’air : l’interdiction des véhicules les plus polluants dans ces zones urbaines désignées permet de réduire la concentration d’émissions nocives. C’est notamment le cas dans les villes allemandes, où le déploiement de ZFE a permis de réduire les concentrations annuelles en PM10 et NO2, jusqu’à 7 % et 4 %, respectivement.
  • Effets positifs sur la santé publique et le bien-être : une meilleure qualité de l’air réduit le risque de maladies respiratoires et améliore la santé cardiaque. Des études menées sur l’impact des ZFE démontrent d’ailleurs des effets positifs accrus sur les maladies cardiovasculaires. Ces mesures contribuent à une amélioration globale de la santé publique et pourraient même réduire les coûts pesant sur le système de santé.
  • Effets sur l’infrastructure des transports et les habitudes de mobilité urbaine : les zones à faibles émissions incitent à l’adoption de véhicules plus propres, des transports publics moins polluants et d’autres alternatives, comme la marche ou le vélo. Autre avantage de ces mobilités : elles favorisent l’activité physique chez la population.
  • Retombées économiques : le poids économique de ces mesures peut s’avérer considérable pour les individus et les entreprises qui doivent se doter de véhicules conformes aux nouvelles normes d’émissions. En dépit de cet aspect, les ZFE présentent des bénéfices supérieurs aux coûts à long terme, sans oublier le rôle qu’elles jouent sur le marché en créant de la demande pour des véhicules plus propres.

En incitant les individus et les entreprises à favoriser des véhicules plus récents et moins polluants, les ZFE aident également à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à enrayer le changement climatique.

Enjeux et critiques des ZFE

Les zones à faibles émissions font l’objet de nombreuses critiques en raison des défis qu’elles posent, par exemple :

  • Mise en œuvre et conformité : les autorités locales doivent contrôler et garantir le respect des restrictions imposées par les ZFE, ce qui relève parfois du défi. De fait, l’identification des véhicules non conformes n’est pas simple, d’autant plus que les autorités se heurtent parfois à la résistance des usagers.
  • Impacts socio-économiques pour les communautés plus modestes les ZFE peuvent avoir un impact disproportionné sur les ménages à bas revenus, dont la mobilité repose sur des véhicules vieillissants et donc souvent plus polluants, avec pour conséquence un accroissement des inégalités. En réponse, la France a lancé un dispositif de « leasing social », qui permet aux ménages modestes de bénéficier d’options de location abordables, tandis que d’autres pays de l’UE (tels que l’Allemagne et les Pays-Bas) proposent aux entreprises une fiscalité avantageuse pour l’achat de véhicules électriques.
  • Impacts sur le secteur privé : la mise à niveau des flottes et la mise à disposition d’alternatives pour les collaborateurs en entreprise représentent une contrainte budgétaire non négligeable, tout particulièrement dans le secteur de la logistique.
  • Limites technologiques et besoins en développement de l’infrastructure : le déploiement effectif des ZFE ne peut se faire qu’à condition d’aménager l’infrastructure urbaine et de proposer des mobilités alternatives. En outre, les fabricants d’équipement d’origine doivent assurer une veille réglementaire constante pour s’adapter aux nouvelles normes, en plus d’anticiper la demande du marché et les restrictions à venir.

 

Études de cas : ZFE de Londres, de Barcelone et de la France

À présent, penchons-nous sur le cas de deux villes ayant relevé le défi des ZFE : Londres et Barcelone.

Londres : quand la clé de la réussite est une approche progressive

Londres est une des premières villes d’Europe à avoir pris le pari des ZFE en 2008, et à l’avoir réussi. Pour instaurer ces zones et assurer le respect des restrictions, la ville a adopté une approche par étapes en durcissant progressivement les normes, afin de laisser le temps aux entreprises et aux résidents locaux de s’adapter.

Depuis 2019, Londres compte également une zone à très faibles émissions (ULEZ, pour « Ultra Low Emission Zone »), qui a permis de réduire les émissions de 26 % depuis sa mise en place.

La ville de Londres illustre bien le potentiel des mesures prises en faveur de l’environnement, y compris dans les agglomérations étendues et densément peuplées.

Barcelone : un lancement plusieurs fois repoussé

Confrontée à de nombreux retards et obstacles, l’aire métropolitaine de Barcelone peine encore à déployer des zones de basses émissions (ZBE) à grande échelle. Dans ce contexte difficile, le gouvernement catalan a fait des concessions afin que les ZBE couvrent 25 % de la surface urbaine totale, plutôt que 25 % de chaque ville.

Le projet a ainsi souffert de retards successifs, avant d’être enfin déployé en 2020 dans la métropole et ses couronnes. La ville opère une transition prudente, et exclut désormais les véhicules thermiques immatriculés avant janvier 2000, ainsi que les véhicules Diesel immatriculés avant janvier 2006.

À l’heure actuelle, la ZBE de la ville de Barcelone fonctionne en semaine, du lundi au vendredi, de 7 heures à 20 heures.

Les obstacles à la mise en place d’une zone à faibles émissions sont généralement liés aux inquiétudes que suscitent l’impact économique sur les entreprises et les individus dont la mobilité dépend de véhicules plus anciens. Le cas de Barcelone témoigne de la difficulté consistant à trouver le bon équilibre entre objectifs environnementaux et facteurs socio-économiques.

ZFE françaises : une approche flexible

En France, les restrictions des zones à faibles émissions sont revues en fonction des améliorations de la qualité de l’air, avec pour résultat une approche plus flexible des restrictions imposées aux véhicules, basée sur des données en temps réel et sur les progrès réalisés.

Récemment, le ministre Français de la Transition écologique a annoncé un assouplissement du calendrier obligatoire des ZFE dans certaines villes telles que Rouen, Marseille et Strasbourg, où on observe une amélioration de la qualité de l’air. À Paris et à Lyon, le calendrier reste le même.

Perspectives et directives à venir pour l’extension des ZFE en Europe

Depuis leur création à la fin des années 90, les zones à faibles émissions ont considérablement gagné en nombre et en superficie dans toute l’Europe. En 2022, on dénombrait plus de 320 ZFE dans l’Union européenne, un chiffre qui devrait s’élever à 507 d’ici 2025.

Si les ZFE visaient initialement à restreindre la circulation des poids lourds dans quelques villes, leur champ d’application s’est progressivement élargi à d’autres véhicules, dont les voitures, les autobus et les motos, ainsi qu’à d’autres aires urbaines.

De fait, la marge d’amélioration est forte dans de nombreuses villes européennes, où la qualité de l’air fait partie des préoccupations majeures. D’où l’intérêt de multiplier les ZFE, qui par leur étendue géographique et leurs restrictions sont à même de répondre à cet objectif.

Le déploiement réussi des ZFE, qui permet d’en tirer avantage tout en atténuant leurs inconvénients potentiels, appelle à des efforts concertés en matière de planification urbaine. Par ailleurs, il incombe aux décisionnaires de veiller à ce que ces zones n’impactent pas les populations précaires et les petites entreprises de façon disproportionnée. Voici des pistes de mise en œuvre :

  • Opter pour une approche progressive dans l’adoption et le durcissement des restrictions
  • Mettre en place divers mécanismes d’accompagnement, par exemple en subventionnant les véhicules plus propres ou les moyens de transport alternatifs
  • Inciter les entreprises à mettre en œuvre des politiques de mobilité durable pour leurs collaborateurs
  • Développer l’infrastructure en faveur des piétons et des cyclistes

Toutes ces mesures peuvent faire des ZFE un outil clé des stratégies de développement durable dans les villes, tout en contribuant à améliorer la qualité de l’air et la qualité de vie des résidents.

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